Charlie était amoureuse. Amoureuse et aveugle, parce que c’est ce que ça faisait, l’amour, ça rendait complètement aveugle, ça installait des œillères sur chaque côté de la tête. Et ça faisait mal. N’était-ce pas censé faire mal? C’est ce qu’on lui avait dit. Elle n’aurait pourtant pas pensé que c’était littéral à ce point. Mais elle l’aimait.
Aujourd’hui, c’était un autre jour comme les autres. Un autre jour au bar. Elle adorait son job, elle adorait faire des cocktails qui reflétaient les personnes qui les commandait. Elle aimait essayer de nouvelle chose et jouer avec les mélanges. Elle aimait parler aux clients et flirter. Rencontrer des gens. Elle aimait qu’ils s’assoient en face d’elle et qu’ils leur racontent leur vie. Elle parlait beaucoup elle-même, mais était aussi une oreille attentive. Comme un dit, une barmaid, c’est un peu comme une psy. Mais moins cher et beaucoup moins sérieuse. Charlie avait toujours eu un éclat, au fond de ses yeux. Un éclat de joie de vivre. Ces temps-ci, il cet éclat se faisait de plus en plus faible, se mourant à petit feu. Ses sourires se faisaient moins honnête et plus triste. Elle n’avait plus d’énergie, tout ce qu’elle avait, elle le donnait à lui. À Dylan. L’amour de sa vie, son rêve de future et son cauchemar en même temps. Elle avait peur de lui… mais les bons moments étaient assez bons pour qu’elle reste. Tout du moins c’est de ça qu’elle essayait de se convaincre. Ce soir-là, au bar, il y avait une bande de mec de l’armée, ou de la Navy… elle ne savait vraiment plus comment les reconnaître, elle devrait pourtant! Elle était une fière citoyenne américaine et elle appréciait les sacrifices qu’ils faisaient pour le pays, comme tout le monde. C’est pour ça que le premier verre était gratuit pour tout le monde! C’est la maison qui payait, ils avaient de la chance. Elle avait ri avec quelques un d’entre eux, avait parlé avec d’autre, sans négliger les autres clients du bar avec qui elle rigolait et parlait autant, même si elle avait l’impression de n’être que le fantôme de ce qu’elle était vraiment. Elle essayait. La soirée avançaient et finalement, ils s’en allaient tous un à un. Tous sauf un qui restait là, à boire son verre. Elle le surveillait, pour voir s’il allait demander autre chose, mais alors qu’elle allait se diriger vers lui, elle entendit son nom, prononcer par cette voix si familière. Dylan.
«
Charlie. Vient ici.» Autoritaire. Comme toujours. Son sourire s’était évanouit et elle s’était approché de lui. «
T’as vue l’heure?» Elle regarda sa montre. «
Oui, je t’ai dit mon quart de travail se termine à 3h.» Le regard qui lui lançait aurait pu lui glacer le sang si elle n’y était pas si habitué. Elle savait déjà ce qu’il l’attendait. «
Je t’ai vue avec ces soldats, tu sais. Je t’ai vue leur sourire et faire ta pute avec eux.» Elle baissa les yeux. Elle savait mieux. Elle savait mieux que de commencer à répliquer. Ça n’allait qu’empirer les choses. «
Je suis désolé.» Dit-elle simplement, d’une petite voix. «
Arrête de t’excuser et fait ce que je dis, pour une fois. On doit rentrer maintenant. Il est tard.» Il n’était qu’1h et Charlie finissait de travailler dans encore 2h… elle ne pouvait pas partir. «
Dylan, je…» Avant qu’elle ne puisse continuer sa phrase, il l’avait attrapé par le poignet, fort, très fort. Et il l’avait attiré vers lui, son visage à quelques centimètres du sien. Elle détourna le regard, sentant son halène de gin d’un peu trop près. «
Tu quoi, Charlie?» Elle essayait de retenir ses larmes. Ça aussi, ça rendait tout bien pire. «
Rien. Rien du tout.» Il rit. «
Ouais. C’est bien ce que je croyais.» Il la lâcha finalement et elle se recula. «
Je vais aller chercher mes trucs. Je te rejoins à l’entrer?» Il était ivre, il avait bu. Elle essayait de se convaincre qu’il n’était pas toujours comme ça, que ce n’étais pas lui, c’était l’alcool. Mais elle avait peur. «
J’AI DIT ON SORT, MAINTENANT.» Il avait crié. «
Miss, quelque chose ne va pas ?» Elle leva les yeux vers le dernier client du bar et garda le silence pendant quelques secondes. Elle ne savait pas quoi dire. Si elle disait que rien n’allait, Dylan allait être deux fois pires lorsqu’elle irait à la maison à la fin de la soirée. Si elle disait que tout allait bien… «
Je…» Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Dylan s’interposa. «
Rentre chez toi, ça te regarde pas. Charlie, c’est qui lui? Tu le baise, c’est ça?» Elle baissa les yeux à nouveau. Son cœur battant à tout rompre. La dernière chose dont elle avait besoin c’est qu’il se mette à se battre avec des clients. «
Bien sûr que non, Dylan. Je…» Elle ne savait pas quoi dire, elle était figée, piégée. Ce qu’elle ne donnerait pas pour rester ici plus longtemps, avec celui qui essayait de l’aider. Elle prit le temps de le détailler. Il avait des yeux qu’elle n’oublierait pas. Des yeux bleu, comme l’océan dans laquelle elle avait envie de se noyer, en ce moment. Dans l’océan ou dans ses yeux, elle était incertaine. Elle baissa finalement les yeux, priant pour ne pas que l’attention qu’elle avait porté pour le jeune homme ne se fasse trop remarquer par Dylan.
Trop tard.
«
Espèce de sale pute, on rentre. Maintenant.» Il la prit par le poignet une nouvelle fois, la serrant assez fort pour qu’il y fasse des traces. «
Non. Je dois rester.» Dit-elle d’une petite voix, à peine audible. Dylan se retourna, lentement. «
Répète ce que tu viens de dire?» Son cœur battait à tout rompre. «
Je dois… rester jusqu’à la fermeture. Je ne peux pas partir.» Encore une fois il rit, et son rire s’effaça aussi rapidement qu’il était venu alors qu’il levait la main vers elle, s’apprêtant à la frapper… pour la énième fois.